raconté par Xavier Paris.
Carle dessine un cheval. Il a six ans… « C’est bien, il se débrouille bien pour son âge » murmure-t-on dans l’éminent Salon « mais il a commencé son dessin trop bas, il s’y est mal pris !»… Carle continue de dessiner… termine rapidement le corps du cheval, puis commence les jambes et tout d’un coup, d’un seul trait de crayon… achève son croquis en dessinant de l’eau. Son cheval, que certains voyaient déjà amputé, prend ainsi fièrement un bain de pieds !
C’est tout l’esprit facétieux et inventif du personnage que nous décrit Xavier Paris et que l’on reconnaît déjà dans la personnalité de cet enfant. Carle Vernet, né en 1758, est le fils chéri de Joseph Vernet, Prix de Rome, peintre du Roi Louis XV. A ce titre Joseph, connu pour ses marines, est chargé de peindre les ports de France, sa femme l’accompagne et c’est ainsi qu’Antoine Charles Horace dit Carle naît à Bordeaux. De retour à Paris, en remerciement de son travail, Joseph reçoit un logis aux galeries du Louvre, lieu de résidence des artistes. L’appartement familial, l’atelier de son père et les couloirs interminables qui y conduisent, sont le terrain de jeux du petit Carle, un univers qui demeurera le sien au-delà de la Révolution.
Pour l’heure, Paris est considérée comme la nouvelle capitale intellectuelle, artistique et scientifique. Nous sommes à l’apogée du siècle des Lumières ! Bercé dans le milieu artistique et particulièrement celui de la peinture, Carle grandit dans une certaine insouciance et cultive ses talents et passions : le dessin et le cheval. Il produira, sa vie durant, une quantité importante d’esquisses et de peintures relatives à ce monde équin si familier, fixant courses et chasses dans l’imaginaire populaire de plusieurs générations. En 1788, une toile l’impose véritablement : Paul-Émile triomphant de Persée, conservée au Metropolitan Museum de New-York. Il a alors trente ans, est membre de la prestigieuse Académie et partage avec sa femme une vie aisée et mondaine.
Survient la Révolution, une période trouble et difficile pour Carle Vernet et sa famille. Il s’enfuit de Paris avec sa femme et ses deux enfants dont le tout jeune Horace, qui sera lui aussi grand peintre en son temps et directeur de la Villa Médicis dans la ville éternelle.
Le calme revenu, Carle Vernet retrouve Paris et ses rues animées. Se laissant surprendre par tout ce qui vit, il reprend ses crayons et se met à croquer personnages, petits métiers et scènes de vie, à l’instar d’un véritable reporter qui ne manque pas d’humour et peut, d’un trait, fustiger le ridicule. Car le maître de l’estampe, grand adepte du calembour, aime à se rire de tout et dessine des séries de croquis plaisants et moqueurs : Les Incroyables, Les Merveilleuses, Les Anglais... Et les ailes des moulins tournent au loin… Elles protègent son atelier installé désormais rue St Lazare et celui de son fils Horace, rue des Martyrs, avant qu’elles ne dominent leur dernière demeure au cimetière de Montmartre.
Témoin d’une époque mémorable, véritable chroniqueur de son temps et tout premier caricaturiste de l’histoire, tel est Carle Vernet, cet artiste sympathique et talentueux dont Xavier Paris nous fait découvrir l’univers !